26/09/2015

DES BRUITS DANS LA TETE de Drago Jancar

Drago Jancar a été révélé au grand public français grâce au succès de Cette nuit, je l’ai vue, paru en 2014 chez Phébus, et qui avait su agrandir le cercle de son lectorat habituel. Phébus en profite donc et insiste, en rééditant dans sa collection Libretto un autre de ses romans, précédemment paru aux défuntes éditions du Passage du Nord-Ouest. De quoi briser la réputation d’auteur « difficile » de l’écrivain slovène qui, même s’il s’agit là d’un livre autrement plus rugueux, s’avère plus que jamais comme un narrateur extraordinaire.

Nous sommes donc à l’intérieur de la prison de Livada dans laquelle s’empilent prisonniers de droit commun, politiques, petites frappes, vrais tarés et gardiens sadiques adeptes du matraquage. Un jour de retransmission du match de basket USA-Yougoslavie, un maton commet l’ irréparable: il éteint la télévision en plein milieu. C’est le début d’une insurrection sauvage.

Rien que de bien banal, me direz-vous, si ce n’est que Des bruits dans la tête se déroule dans un contexte historique et politique bien particulier, celui de l’ex-Yougoslavie de Tito, faussement émancipée mais à la botte, tout de même, de son voisin soviétique. Il ne faut pas attendre longtemps avant de comprendre vers quoi le roman file, à savoir une métaphore impitoyable sur l’exercice du pouvoir dans un régime dictatorial. Car à l’intérieur de Livada encerclé par les forces de l’ordre, un autre régime s’impose, une autre terreur organisée cette fois par les mutins eux mêmes, une autre police. Le bibliothécaire devient dictateur, la barbier devient tortionnaire en chef, les lâches d’hier sont les kapos du présent, les véritables héros de l’insurrection redeviennent les hommes à abattre. Dehors, la police, les militaires et l’Etat attendent calmement de reprendre les choses en main.
Ce qui bouleverse le plus dans le roman de Jancar, ce ne sont pas les situations d’horreur et de démence meurtrière qui finissent par contaminer et rendre irrespirables chacune de ses pages mais comment son héros, Keber, parvient à s’ »échapper » de cette prison et de lui-même. Les yeux ouverts, sous les coups, il s’imagine en chef des juifs qui prirent la cité de Massada et tinrent tête aux Romains il y a presque 2000 ans.
Surtout, c’est lui qui porte cette revendication aux forces de l’ordre qui s’avère être la plus importante, la plus glorieuse de toutes, la seule qui tienne vraiment. Il ne réclame pas, comme les autres, des permissions plus longues, la visite de femmes, une meilleure nourriture, voire une complète amnistie: Keber veut juste que les équipes « rejouent le match ». Il n’a pas vu la fin, et il pressent que cela reste le signe le plus tragique de son retrait des vivants.
Drago Jancar a connu la prison lui aussi. Mais ce qu’il a connu par-dessus tout, et demeure le grand sujet de tous ses livres, c’est comment le régime communiste a coupé l’image et le son à des millions de personnes, des décennies durant.

Signé : RongeMaille

22/09/2015

L’été indien (air connu)

Durant le mois d’août, Mère Grand m’a tanné pour présenter un certain nombre de titres, d’œuvres, qui me semblent non pas incontournables, il ne faut pas exagérer, mais qui ont musclés le brillant athlète culturel que je suis aujourd’hui. Fort de cette périlleuse mission, je me suis attelé à cette tâche sans le précieux soutien de Mme Peel alors en vacances bien méritées.
L’été est maintenant passé, les congés trèèès loin, la rentrée bien entamée et les cohortes de nouveautés se bousculent à qui mieux mieux pour avoir la première place. Mère Grand m’a rappelé le rôle d’une sélection, qui bien que vitale se veut éphémère, que je dois méditer sur le non-attachement et l’impermanence… Certes cette installation amène un petit rayon de soleil, une éclaircie dans le quotidien d’un libraire et, nous sommes d’accord, il est difficile de s’épanouir à l’ombre d’un Largo Winch ou d’un Blake et Mortimer.
Donc, elle n’a qu’un temps !
Alors, l’envie impérieuse me vient de prolonger les vacances et de vous soumettre, petits veinards, les quelques titres que vous avez peut-être loupés :
Torpédo de Bernet et Abuli.
Torpédo est un tueur à gages durant les années de la prohibition. Sicilien, froid, sans cœur, affublé d’un second particulièrement crétin et maladroit, il traverse ses mésaventures avec un cynisme et un machisme consommé. Cette BD est parsemée d’humour, d’action, de rebondissements hilarants, de situations grotesques. Si vous aimez les Sopranos, Scorcese, et les histoires rocambolesques de gangsters : foncez !!!
Cartographie des nuages de David Mitchell
Roman singulier qui se rapproche plus du recueil de nouvelles, nous pouvons lui reprocher sa construction au premier abord un peu artificielle. En effet, Cartographie des nuages est un récit enchâssé à plusieurs voix, ses intrigues dramatiques ou cocasses parcourent plusieurs époques jusque dans un lointain futur et se répondent tour à tour, comme un long écho.
Hum, dis comme ça, vous demandez à juste raison ce que je consomme et je peux vous assurer que c’est de la bonne. Je parle de littérature, bien sur.
Car ce que je retiens de Mr Mitchell, c’est son style impeccable. Chaque période, narrateur et donc récit ou « nouvelle » a sa voix. Nous passons de l’un à l’autre avec l’étonnante impression de lire une anthologie tant l’écriture et le style est différent tout au long de sa lecture.
Petit bonus : nous retrouvons l’un des personnages de ce roman dans Le fond des forêts, paru deux ans plus tard, toujours chez l’Olivier.
 L’orme du Caucase de Jiro Taniguchi
Jiro Taniguchi… mangaka au style quasi photographique, il nous ballade entre ses récits de montagne, ses promenades zen, ses souvenirs d’une chiantitude accomplie, ses aventures animalières et quelques ovnis. Il est l’Auteur de manga par lequel les béotiens peuvent découvrir et se forger un avis moins stéréotypé et négatif sur la « culture graphique nippone ». Ouhou, comme c’est joliment dit, il va falloir que je la ressorte celle-là^^.
Bon, c’est pas tout ça, mais là c’est l’Orme du Caucase qui nous intéresse…
C’est un recueil de 8 histoires courtes de Ryuichiro Utsumi, histoires de vies, de rencontres, parfois mélancoliques mais toujours émouvantes.
Autant le Journal de mon père ou Quartier lointain sont, avec le même thème, « réservé » à un public adulte, autant l’Orme a, selon moi, une portée, une poésie et des messages plus universels et transgénérationnels.
S’il n’y en avait qu’un à lire (ce qui serait bien triste), ce serait celui-ci.
L’Amateur d’anecdotes de Raymond Castans
Vous l’avez peut-être pressenti… j’aime les histoires. Je kiffe la Grande, mais ce que j’aime par dessus tout ce sont les petites. Elles illustrent si bien l’esprit, le caractère, la majesté ou la mesquinerie des hommes et des femmes qui ont fait la grande histoire. Les anecdotes sont l’illustration même de la nature humaine avec l’humour en plus. Bons mots, réparties, situations embarrassantes, événements majeurs observés par le trou de la lorgnette, avec dans le casting Voltaire, Guitry, Talleyrand, Nicolas le deuxième, Sarah Bernhardt… à consommer sans modération.
Petit avertissement : cette série est inachevée, si vous commencez à l’apprécier comme moi, vous risquez d’être un petit peu déçu… vous voilà prévenu.
Je disais donc, si vous aimez les pulps, les pin-up, les cadillacs, les dinosaures, la sf, les histoires courtes, les mecs les vrais, les savants fous, les expériences ratées, l’apocalypse et les dinosaures (comment ça je l’ai déjà dit ?) : foncez !!!
Il n’y a pas que les pin-up, les cadillacs et les dinosaures dans la vie…Je serais même tenté de dire qu’il n’y a pas que notre nombril, et même il n’y a pas que notre petit pré carré à nous tout seul, que l’on doit protégé à tout prix et ne pas partager du tout du tout. Surtout avec tout ce qui se passe dans cette triste époque que nous vivons ma pauvre petite madame oulala !!!
Trois possibilités :
1/ Vous connaissez, vous êtes convaincu et il vous faut des arguments chocs pour convaincre, sinon illustrer votre propos.
2/ Vous ne connaissez pas, mais ça vous titille, je ne peux que vous encourager, le décollage de pois chiche n’est pas loin.
3/ Vous avez une armoire à caler… vu l’épaisseur du bouquin, je vous encourage plutôt à changer d’armoire et lire Mathieu Ricard. Deux changements (de vie et d’armoire) pour le prix d’un poche comme celui-ci, c’est pas tous les jours que ça va vous arriver.
Ne me remerciez pas !!!
Dans les veines ce fleuve d’argent de Dario Francheschini
Primo Bottardi se réveille un jour avec, en tête, la réponse à une question que lui avait posé un ami d’enfance, quarante ans plus tôt. Il décide donc de partir et de retrouver cet ami.
A travers son périple, Primo nous raconte son enfance, son pays, et le fleuve qui façonne les gens, leurs rêves comme leurs vies.
Nous voilà donc partis le long des berges du Pô, en sa compagnie, pour un voyage poétique, empli de brumes, perdus entre réalisme un peu étrange et onirisme.
Mygale de Thierry Jonquet
Depuis tout petit, j’ai peur des araignées. Venimeux, ça galope, ça nous attends sous les couvertures, ça aime les coins sombres et poussiéreux, et quand j’entends Mygale, ça me remonte la colonne vertébrale. Pour deux raisons :
1/ La grosse bestiole poilue avec trop de pattes et de yeux que j’ai trouvée dans mes rangers au petit matin lors d’un baroud (mon premier et dernier) avec la légion en Guyane Française*.
2/ Thierry Jonquet.
Mygale n’est pas un « frileur » animalier, amis arachnophobes, restez encore un peu. Ce court roman fait suivre trois personnages, trois intrigues qui finissent par se rejoindre :
un jeune homme en moto se fait percuter par un chauffard, et se fait capturer par le conducteur, est ce un serial killer ? ; un malfrat fait un casse qui se passe mal, il descend un flic et est blessé, la cavale commence ; et une jeune femme est séquestrée, humiliée et prostituée par un imminent médecin…
Brrr, j’ai cette saleté de bestiole qui me parcourt l’échine….
Pinocchio de Winschluss
Pour cette adaptation pour adulte et décalée du conte de Collodi, Winshluss a reçu le mérité Fauve d’Or 2009 du festival d’Angoulème.
Que dire sinon que nous retrouvons la plupart des personnages du conte comme Gepetto en savant cupide ou Jiminy en cafard ; mais aussi d’autres célébrités tels que les sept nains en nabots lubriques issus d’autres histoires pour la jeunesse.
Winshluss utilise avec brio l’imagerie Walt Disney, nous sert sa version hardcore et trucide les valeurs morales sirupeuses et gnangnan à la tronçonneuse. Seul notre petit pantin traverse les épreuves et les mésaventures sans s’émouvoir, sans juger du bien ou du mal qui l’entoure, blindé, téflonné, en naïveté trempée.
Aucun, je dis bien aucun des autres personnages n’est à sauver : pervers, tordus, cupides, malsains, suicidaires, manipulateurs, cette BD est un minutieux passage à la loupe sur la face sombre de l’humanité.
La balade de Lobo de A.Grant & S.Bisley
Cette réédition des aventures de l’Homme regroupe les deux aventures imaginées par Alan Grant et Simon Bisley : Le dernier Czarnien et Lobo frappe encore.
Décidément, les éditions et les rééditions de comics en France sont un grand n’importe quoi puisque pour des raisons qui m’échappent Le noël de Lobo n’est pas au sommaire du recueil ; 
mais bon je ne vais pas bouder mon plaisir à retrouver dans la langue de Gotlib les aventures du chasseur de primes.
Violence gratuite à tous les étages, personnages plus cons les uns que les autres, humour à 2 € (comme quoi tout augmente), même le bon Dieu se bidonne !!!
Qu’est ce qu’il nous manque ???
Le Noël de Lobo peut-être ^^

Polina de Bastien Vives
Pour finir sur une note plus douce et introspective, je vous propose de découvrir Polina de Bastien Vives.
Cette BD raconte le parcours d’une danseuse, de ses débuts, encore enfant à son entrée au Bolchoï sous le regard sévère de son professeur, à l’âge adulte en artiste reconnue.
Par petites touches, Bastien Vives construit ce personnage et le fait évoluer, grandir, aimer. Sa plus grande prouesse, pour moi, est de nous faire sentir l’influence de ce professeur, de ce maître, à travers les silences et les non-dits de Polina qui réussit au final à transcender l’exigence et la dureté de son mentor au service de son art et de sa carrière.
Signé : Mr S

Notes : * L’auteur est un gros mytho !!!

21/09/2015

EN TOUTE FRANCHISE de Richard Ford

Il nous avait laissé tout bête, tout penaud, ce bon Richard Ford, après deux romans d’excellente facture certes, mais bien en deçà de ce que l’on pouvait espérer d’un écrivain de sa trempe. Le retour aux affaires de son personnage fêtiche et alter-ego de papier, Frank Bascombe, augurait plutôt mal d’un retour en forme de l’auteur d’Un week-end dans le Michigan, comme un aveu de laisser-aller et de retour pépère à la normale, à cet éternel train-train de l’écrivain bien installé.
Tout ça pour s’apercevoir que le train-train, le prosaïque, le banal, c’est justement sa grande affaire, à Richard Ford, l’espace qui lui est imparti pour aller jusqu’au fond des choses, et laisser libre court à la verve toute en nuance de son écriture à la fois empathique, ironique, et terriblement désabusée.
Bascombe est à la retraite à présent, il ne s’ennuie pas trop mais les souvenirs se chargent d’affluer vers lui tel un ressac sans fin, lui ramenant dans les pieds quelques éléments de sa vie difficiles à oublier, ou auxquels il avait cru ne plus jamais avoir affaire. C’est cet ancien client qui l’informe que la maison qu’il lui avait vendue, jadis, a été détruite par la méchante tempête qui vient de ravager la côte Est. C’est cette vieille femme qui demande à visiter sa maison qu’elle habitait bien avant lui, et qu’elle avait quitté à l’âge de 17 ans dans des circonstances dramatiques. C’est ce vieil « ami » à quelques jours du trépas, qui le presse de venir le voir dans son lit médicalisé. Et puis son ex-femme, qui sombre peu à peu dans les limbes d’Alzheimer, et avec qui il n’a pas fini de solder une foule de ressentiments et de rancoeurs.
En toute franchise est plus une suite de rencontres fortuites qu’un recueil de nouvelles. Frank Bascombe s’y promène comme dans un champ d’épaves, qu’il observe d’un peu haut, mais pas trop, s’insinuant lui-même au milieu des décombres comme faisant partie du décor.
Richard Ford fut le meilleur ami de Raymond Carver, il faut savoir s’en souvenir en lisant les 230 pages de son bouquin, ciselé et lapidaire comme seuls certains Américains savent en faire. Autant dire que ce Richard Ford-là est immanquable.



Signé : RongeMaille

18/09/2015

CHICAGOLAND de F.Colin & S.Goerg

Avec la rentrée, j’attends de pied ferme la nouvelle production, et au risque d’indigestion, un petit peu désabusé aussi, je découvre les BD qui tenteront, vainement, de se cramponner sur les tables jusque pour les fêtes.
Les avis, remarques et critiques que je partage, dans l’intimité avec Mme Peel, jalonnent nos journées et nous amènent à répondre à la question essentielle du libraire : Quelles BD allons nous conseiller à tour de bras durant les prochains mois ?
Chicagoland est l’une d’elles !
Inspiré d’une nouvelle de l’auteur de polars R.J. Ellory, avec Fabrice Colin au scénario et Sacha Goerg au pinceau, elle nous invite à suivre quelques personnages liés à un fait divers durant les années 50 aux US.
Ces personnages : parent de la victime, enquêteur, meurtrier…, se donnent tour à tour la parole pour donner leur point de vue, s’expliquer, se questionner, se faire pardonner…
A travers leur quotidien, leur fragment de vie, leur regard, bouleversés par cet événement sordide, ils nous en livrent les différentes facettes à l’aune de leur expérience, leur vécu, leurs certitude et leurs doutes.
Entre une mise à mort, attendu comme un juste châtiment, ou comme une rédemption, les débuts d’une liaison, d’une rencontre amoureuse peut-être, le souvenir d’un père, le déterminisme familial, et le petit détail, la petite intuition qui rend une enquête légèrement « bancale », nous sommes baladés jusqu’au final dérisoire et cynique.
Signé : Mr S.

12/09/2015

SAM PECKINPAH – editions Capricci

Voici un recueil d’articles, d’interviews et d’analyses qu’on aura déjà lus dans les colonnes du valeureux magazine de cinoche SoFilm. Riche idée que de les avoir rassemblés dans ce volume généreusement illustré car, vraiment, le bonhomme valait bien ça. Véritable légende du cinéma américain, précurseur du Nouvel Hollywood bien avant que les Coppola et autres Friedkin fassent exploser la marmite, son nom est aussi accolé à une hyper-stylisation de la violence. Qui n’a pas été soufflé par les dernières minutes de La horde sauvage, qui n’a pas transpiré de malaise à la vision des Chiens de paille ?
De l’avis de tous, Peckinpah était un horrible salopard, un affreux colérique qui faisait passer d’autres tyrans de plateau comme Otto Preminger ou Henry Hathaway pour des bisounours. Le plus surprenant étant qu’il était entouré d’amis fidèles, techniciens et acteurs, qui auraient tout donné pour lui. A partir de la fin des années 70 pourtant, ses excès en tous genre, beuveries, coke et putains, finirent par en lasser plus d’un. James Caan, qui tourna avec lui son plus mauvais film, Tueur d’élite, dira plus tard: « Quand on sera tous morts, son putain de foie sera toujours en train de filtrer de l’alcool et d’aspirer de la coke ». Pour ça, le livre n’est pas avare en anecdotes croustillantes, entre l’épidémie de maladies vénériennes qu’il provoqua avec son ami Jason Robards dans l’hôtel où ils faisaient la nouba (pendant le tournage de Cable Hogue), les dingueries d’un Steve McQueen complètement inconscient qui conduisait sur les autoroutes à contre-sens, et se prit un mur (sur le tournage de Getaway), les coups de foudre amoureux de Peckinpah pour ses actrices, et comment il traitait ceux qui tournaient trop autour. Pour ça, ce livre est un régal.
Mais il faut lire aussi les analyses pertinentes d’Emmanuel Burdeau, Chris Fujiwara et d’autres pour se rendre compte de l’importance de son oeuvre sur les générations d’après (que serait le petit Tarrantino sans lui, et Scorsese, et Eastwood ?) et quelle mélancolie, quel romantisme exacerbé se trouvent enfouis derrière ces images faites de bruit et de fureur. Bloody Sam était un timide teigneux, un misogyne fleur bleue, un misanthrope lucide, un sauvage idéaliste. Tout ça, le livre en rend compte avec beaucoup de pertinence.
Indispensable à tout cow-boy cinéphile qui se respecte !

signé: RongeMaille

05/09/2015

BOOMING de Mika Biermann

Après lecture des 137 pages que Booming contient, le lecteur attentif et sensé pourra toujours se demander si Mika Biermann n’en tient pas une couche. Et pourquoi une seule ? Il faut bien une couche d’audace d’abord, pour imaginer une histoire de western qui fait des zigs et des zags entre absurde, paradoxes temporels et dialogues non-sensiques; une couche de folie  ensuite pour penser qu’il serait bon d’appliquer à la littérature ce que des physiciens infligent aux protons dans un accélérateur de particules, et faire en sorte par exemple que certains éléments adviennent avant qu’ils ne soient apparus, ou ne soient pas tels qu’ils fussent.
Quoi ? me demanderez-vous, eh bien je n’en dirai pas plus, et tenez-le vous pour dit. Ajoutez-y une couche d’ indéniable talent, et trois couches bien épaisses d’un sens de l’humour ravageur, et vous aurez là le prototype du livre cinglé comme on aimerait en lire plus souvent, et qui devrait se ramasser quelques prix au nez et à la barbe de quelques vieux poneys de concours.
Quoi ? me demanderez-vous de l’air de ne vraiment pas comprendre de quoi je parle, ce à quoi je vous répondrai: ben oui… Mesdames et messieurs, l’errance de Lightouch et Conchi, cow-boys de l’illusoire suivis de leur fidèle mule, n’est rien de moins que le premier western quantique de l’histoire. Western kaleïdoscopique ? Western brautiganien ? Western montpythonien atteint d’humour belge ?
N’en jetez plus et lisez donc Booming, le premier western Mikabiermannien de l’histoire.

Signé : RongeMaille