23/07/2017

L'HOMME DE MIEL d'Olivier Martinelli

Le 17 Août 2017 sortira un très bon roman d’Éric Reinhart chez Gallimard, La chambre des amants, mais je ne le lirais pas. Je ne peux pas. Les livres qui parlent de maladie me font peur. J’ai sûrement un truc à régler avec la mort … Bref, le Reinhart je ne peux pas, comme Oscar et la dame rose de Schmitt, je n’ai jamais pu… (la comparaison est stupide, on ne peut pas comparer la douleur … ni le degré de littérature employée d’ailleurs pour la narrer). 
Mais contre toute attente, je vais me contredire en vous parlant d’un récit qui m’a émue aux larmes et que vous achèterez dans une librairie indépendante le 24 Août.

Pour résumer, je pourrais citer l’auteur : « Mon cancer s'écrit myélome et je ne peux m'empêcher de penser « miel homme ». Il me paraît plus doux, du coup, moins agressif. Grâce à lui, je me sens comme un héros Marvel. Je suis l'Homme de miel. »

Mais je ne peux pas résumer... Ce livre, c’est l’histoire d’un fils, d’un frère, d’un ami, d’un mari et d’un père. C’est aussi l’histoire d’un combat pour la vie avec une volonté inouïe. Un désir d’écrire aussi comme une évidence ou une urgence. J’ai presque envie de lui dire qu’on se serait passé de ça pour détrôner Marc L des meilleures ventes des grandes et moyennes surfaces alimentaires. Olivier Martinelli se met à nu et j’aimerais mieux que cela soit un roman. Il n’en est rien, c’est la vie, la vraie, sans pathos, sans maquillage et sans filtre.

Avec le talent qu’on lui connaît, je vous engage donc à faire une séance de rattrapage pour : La nuit ne dure pas chez Treizième Note paru en 2011 (demandez à votre voisin, il doit l’avoir car la maison d’édition a fermé et ça arrive à des gens très bien malheureusement) ou Quelqu'un à tuer à La Manufacture de livres paru en 2015.
Je ne peux pas résumer cet auteur à ces deux titres là alors faites-vous plaisir pour les autres. Vous dire qu’il a assez d’orgueil pour faire un bon écrivain, qu’il a des références littéraires et musicales sérieuses ! Fante est sur sa table de chevet en permanence et son fils s’appelle Dan ... Tout ça ne suffit pas. Il est prof de maths à Sète. Il est assez machiavélique pour mettre des exercices bonus à la fin de chaque contrôle alors que la plupart de ses élèves ne les font pas. Ça ne suffit pas non plus.
Alors juste vous dire que dans L’homme de miel aux éditions Christophe Lucquin (une petite maison d’édition spécialisée dans les petites pépites... Lisez Lento d’Antoni Casa Ros en passant, ça peut faire du bien) vous aurez un miroir devant les yeux, vous verrez votre propre peur devant l’inéluctable, et une fois le livre fermé, vous aimerez plus, vous regarderez plus les petites choses insignifiantes, vous serez plus justes, moins durs face à la médiocrité, plus tolérants face aux différences, vous serez en vie et c’est déjà beaucoup.

Signé : Mère grand

22/07/2017

LA SOURIS QUI RUGISSAIT de Leonard Wibberley

La souris qui rugissait parut en 1955 et fut adapté au cinéma quelques années plus tard par Jack Arnold, le réalisateur de L'homme qui rétrécit et de Tarentula. Choix étrange pour un film comique me direz-vous mais, beaucoup plus cohérent, l'interprétation fut alors confié (trois rôles!) à l'impayable Peter Sellers qui fit de cette adaptation, à l'époque, un très joli succès. On avait un vague souvenir, assez ravi, de cette loufoquerie (le film est ressorti il n'y a pas si longtemps en copie neuve), et on avait oublié en route qu'il s'agissait à la base d'un roman, que l' intrépide éditeur suisse Héros-Limite, spécialisé dans les rééditions de textes un peu perdus de vue, a eu la bonne idée de nous ressortir.

On commence la lecture du roman avec la vague appréhension que la chose est un peu datée, voire surannée, et on se surprend à rigoler comme un bossu dès les premières pages. Vous rappelez-vous de quoi il s'agit ? Vous n'avez jamais vu le film, jamais entendu parler ?

Voici: nous nous trouvons au coeur de l'Europe, dans une enclave perdue entre deux vallées quelque part entre la France et la Suisse. Royaume indépendant depuis de hauts faits d'armes survenus au Moyen-Age et dont tout le monde se fout, le duché du Grand Fenwick vit de sa propre culture, de ses paysages apaisants et de son eau fraîche. Mais pas seulement !... Fins viticulteurs et distingués buveurs, le fleuron de leur production à l'export n'est rien d'autre que ce fabuleux Pinot Grand Fenwick que le Monde entier leur envie. Au point qu'un fort peu scrupuleux viticulteur californien s'est autorisé de baptiser une de ses cuvées... Pinot Grand Enwick. Le sang des sujets de sa Majesté ne va faire qu'un tour et, foin de lettres de récrimination et de doléances polies, le Grand Fenwick déclare la guerre aux Etats-Unis, ce peuple de butors.
 Ce qui advient ensuite, suite de péripéties sans queue ni tête, fabuleux précipité de burlesque et de situations non-sensiques, en remontrera évidemment aux principes de la logique la plus élémentaire autant qu'à l'art de la guerre selon Sun Tzu...La valeureuse armée du Grand Duché, simplement dotée de casques, côtes de maille, hallebardes et flèches taillées dans les meilleurs arbres, vont repartir à bord de leur voilier avec quelques soldats américains prisonniers, en plus d'un général quatre étoiles, d'un savant plus dangereux qu'Oppenheimer et... d'un prototype d'arme de destruction massive auprès de laquelle la bombe A serait à peine digne d'un lance-pierre. Victoire !

Leonard Wibberley y va fort et ne s'encombre pas de grand chose en terme de réalisme et de véracité géo-politique. Mais sa fable burlesque fit mouche à l'époque, au paroxysme de la guerre froide, n'hésitant pas à tailler ici le portrait de quelques hauts responsables américains et soviétiques qui valent bien les vieilles ganaches stupides de Docteur Folamour. Plus inquiétant, il se pourrait bien tout compte fait  que cette allégorie pacifiste un peu foldingue trouve quelques échos désagréables à notre époque Poutinotrumpiste des plus rances.

M'enfin, comme dirait cet autre grand philosophe à hamac qui a du lire Le droit à la paresse et quelques autres joyeux anars, il n'y a pas de mal à se faire du bien avec un roman écrit à une époque où l'on plaçait encore le bon vin, les jolies filles, l'amour des fleurs et des moineaux avant ces idées avariées de progrès, de profit, et de canons plus gros que le tien. Héros-Limite réédite ce petit bijou en reproduisant tels quels les illustrations que le grand Siné avait produites pour la première édition française, chez Fasquelle. Ce qui en fait un irrésistible volume digne de figurer dans toute bibliothèque de l'honnête homme qui se respecte.

Siné... Encore un de ces types, comme Gébé, comme Reiser, Wibberley ou Lagaffe, qui avait le sens des valeurs. Et vive le duché du Grand Fenwick ! 

Signé: RongeMaille